« Politique de l’être » : dix ans de gestation (2/3)

Partie 2 : le parcours du scientifique 

C’est pour pouvoir servir la Terre que j’ai fait un doctorat en économie (écologique) de 2007 à 2013. J’ai étudié le programme national costaricien d’incitations économiques à la conservation des forêts (« paiements pour services environnementaux »). Cette thèse de doctorat m’a appris trois choses essentielles. Premièrement, en adoptant un nouveau point de vue, celui de l’économie écologique (et institutionnelle), plutôt que celui de l’économie environnementale plus orthodoxe, j’ai découvert une histoire très différente de celle qui était généralement racontée. Il s’agissait davantage de récompenser symboliquement les efforts de personnes intrinsèquement motivées pour assumer leur responsabilité de prendre soin de la nature dont elles et leurs voisins jouissent, plutôt que de rendre la conservation financièrement attrayante pour certains « homo economicus » uniquement intéressés par leurs propres gains financiers. Deuxièmement, la question n’était pas tant de savoir comment influencer les individus égoïstes pour qu’ils agissent pour le bien commun. Outre une meilleure réglementation, il me semble que la clé pour relever ces défis environnementaux est de changer cet état d’esprit transactionnel. Cela faisait écho à la conclusion d’une voix scientifique majeure dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et sans doute la plus influente en matière d’analyse institutionnelle. L’économiste politique américaine Elinor Ostrom, dans la conférence qu’elle a donnée à l’occasion de la réception de son prix Nobel d’économie en 2009, a résumé la leçon la plus importante qu’elle a tirée de cinquante années de recherche :

« Concevoir des institutions pour forcer (ou “nudger”) des individus poursuivant uniquement leurs intérêts propres à produire de meilleurs résultats a été le principal objectif proposé aux gouvernements par les analystes de politiques publiques durant les cinquante dernières années. Un travail approfondi de recherche empirique m’amène à soutenir qu’au contraire, un aspect central de toute politique publique devrait être de faciliter le développement d’institutions faisant ressortir ce qu’il y a de meilleur chez les êtres humains. »

Enfin, j’ai compris que pour réussir, l’agenda environnemental doit être enraciné non seulement dans la promotion des moyens de subsistance des personnes, mais aussi sur leur identité et leur projet en tant que nation, comme l’a fait le Costa Rica. Par exemple, le pays s’était fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2021 pour célébrer le bicentenaire de son indépendance. Le fait d’être un pays vert, et de ne pas avoir d’armée, est la principale source de fierté des Costariciens – certaines des personnes que j’ai interrogées m’ont même dit qu’un Costaricien qui n’aimait pas la nature était un mauvais Costaricien.

Pour écrire ce livre, j’ai effectué des recherches sur ce que la science a à dire sur le potentiel du développement intérieur pour la durabilité. Bien que je reconnaisse que des recherches supplémentaires sont nécessaires, les preuves émergentes sont claires. Deux indicateurs du développement intérieur ont été mis en évidence en tant que moteurs des attitudes et comportements prosociaux/environnementaux :

  • Notre connexion ou déconnexion avec nous-mêmes et nos vrais besoins (ce que la psychologie appelle la « motivations our orientation intrinsèque » en science psychologique), qui est également un facteur clé de notre bonheur.
  • Le « bonheur eudémonique » (basé sur le développement du meilleur de soi-même, en accord avec son être véritable).

Plus important encore, la science émergente du bonheur fait évoluer notre vision du bien-être de l’hédonisme, du matérialisme et du consumérisme vers l’épanouissement humain et l’eudémonisme. La recherche met l’accent sur les relations humaines en tant que principal facteur de bonheur, tout en soulignant le potentiel de la méditation et du temps passé dans la nature.

Il est grand temps de mettre le pouvoir de la science au service de notre évolution collective.

 

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« Politique de l’être » : dix ans de gestation (1/3)

« Politique de l’être » : mes dix ans de gestation (3/3)




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