Teilhard de Chardin et l’émergence de la « Noosphère »
Extrait du chapitre: Une crise évolutive
Le troisième célèbre enseignant spirituel qui a su percevoir l’évolution spirituelle de l’humanité en cours est venu d’Occident. Il s’agit de Pierre Teilhard de Chardin (1881‐1955), scientifique, philosophe et prêtre jésuite français. Ses travaux en tant que paléontologue et géo‐ logue l’ont amené à réfléchir au processus évolutionniste de l’univers, des particules élémentaires jusqu’à l’apparition de la vie et des êtres humains, de la géosphère jusqu’à la biosphère, puis à ce qu’il a appelé la « noosphère » ou encore « sphère de la pensée humaine ». S’inspirant des idées d’« évolution créatrice » du philosophe français Henri Bergson, Teilhard de Chardin définissait ce processus comme un chemin vers un niveau de complexité et de conscience matérielles toujours plus élevé : « L’Évolution […] est une montée [de la matière] vers la Conscience. »
Teilhard de Chardin pensait que l’évolution était destinée à accéder à une conscience suprême – qu’il avait appelée « point Oméga » – qui attirait vers elle toute la création. Cela devait amener selon lui l’humanité future à réaliser son unité psychique par le biais d’un processus qu’il appelle l’« unanimisation ». Teilhard de Chardin a expliqué qu’il avait reçu sa première vision de la « noosphère », qu’il considérait comme l’« âme de la Terre », pendant la Première Guerre mondiale, dans les tranchées situées entre l’Yser et Verdun, où il avait servi plusieurs mois en tant que brancardier. Au cœur de cette extrême densité physique, psychique et énergétique, où un million d’hommes s’affrontaient, il a commencé à percevoir un processus évolutionniste encore flou mais assez semblable à l’évolution de la matière physique qu’il avait étudiée. Il a alors déclaré : « Une Foi nouvelle où se composent la Foi ascen‐ sionnelle vers un Transcendant et la Foi propulsive vers un Immanent ; – une Charité nouvelle où se combinent, en se divinisant, toutes les passions motrices de la Terre : voilà, je le vois maintenant, et pour toujours, ce que, sous peine de défaillir, le Monde attend en ce moment, éperdument. »
Les travaux de Pierre Teilhard de Chardin, qui ont grandement influencé les communautés scientifiques et spirituelles, ont tout d’abord été condamnés par l’Église catholique avant d’être réhabilités par des figures emblématiques telles que le pape Benoît XVI et le pape François.