La vision de Baha’u’llah, prophète de l’unité de l’humanité

Né dans l’Empire perse en 1817, Bahá’u’lláh (« la Gloire de Dieu » en arabe) était le disciple de Siyyid ‘Alí-Muhammad, un jeune homme qui, en 1844, avait déclaré être le rédempteur promis de l’islam, le Mahdi tant attendu du chiisme, et s’était fait appeler « Báb » (« la Porte »). En effet, le Báb annonçait la venue imminente de « celui par qui Dieu se manifestera ». Entouré de milliers de disciples, il a été victime d’une forte répression et fut finalement exécuté en 1850.

En tant que disciple du Báb, Bahá’u’lláh a été emprisonné dans un cachot de Téhéran en 1853, où il reçut la vision d’une jeune fille envoyée par Dieu pour lui annoncer sa mission en tant que messa- ger divin, celui dont le Báb avait prophétisé la venue. Bahá’u’lláh fut rapidement libéré de prison, mais il a continué de vivre en exil au Moyen-Orient, la plupart du temps sous surveillance ou réemprisonné par les autorités ottomanes. À sa mort en 1892 près de la ville d’Acre (aujourd’hui située en Israël), il a laissé une multitude de travaux qui ont permis de jeter les bases d’une nouvelle religion.

Après Abraham, Krishna, Zoroastre, Moïse, Bouddha, Jésus, Mahomet et bien d’autres, Bahá’u’lláh a affirmé qu’il était la dernière manifestation de Dieu pour cette époque, et que sa mission consistait à fédérer la race humaine afin d’établir une civilisation mondiale prospère et un nouvel ordre mondial où les institutions embrasseraient les idéaux bahá’ís d’unité et de justice pour tous. Bahá’u’lláh considérait que la justice était la principale condition de l’unité de l’humanité, sans laquelle « l’humanité ne pourr[ait] parvenir au bien‐être, à la paix et à la sécurité ». « Ce n’est point d’aimer son propre pays qu’il convient de se glorifier, c’est d’aimer le monde entier. La Terre n’est qu’un seul pays dont tous les hommes sont les citoyens1 », proclamait‐il. Il a enseigné que la vérité religieuse était peu à peu révélée par Dieu au travers de plusieurs messagers divins, dont les enseignements étaient adaptés en fonction des besoins de l’époque et du lieu de leur apparition, pour faire évoluer la morale et la civilisation humaines.

En fait, les textes bahá’ís considèrent que la religion est « la base de toute civilisation et de tout progrès dans l’histoire de l’humanité ». Shoghi Effendi, Gardien de la foi bahá’íe entre 1921 et 1957, décrit parfaitement la vision d’une « révélation progressive » et d’une unité de toutes les religions : « Le principe fondamental énoncé par Bahá’u’lláh, et auquel croient fermement les adeptes de sa Foi, est que la vérité religieuse n’est pas absolue mais relative ; que la Révélation divine est un processus continu et progressif ; que toutes les grandes religions du monde sont divines dans leur origine ; que leurs principes fondamentaux sont en complète harmonie ; que leurs buts et leur objet forment un tout identique ; que leurs enseignements ne sont que les facettes d’une seule vérité ; que leurs fonctions sont complémentaires ; qu’elles ne diffèrent que par les aspects non essentiels de leurs doctrines ; et que leurs missions représentent les phases de l’évolution spirituelle de la société humaine. »

On peut comparer cette évolution avec les différentes phases de la vie d’un individu, l’humanité étant aujourd’hui au stade de l’adolescence, et donc à l’aube de la pleine maturité. Comme l’écrit Shoghi Effendi : « Les longs siècles de première et de seconde enfance par lesquels a dû passer la race humaine s’estompent dans le passé. L’humanité fait maintenant l’expérience des troubles invariablement associés au stade le plus tumultueux de son évolution, le stade de l’adolescence, quand l’impétuosité de la jeunesse et sa véhémence atteignent leur point culminant, avant de faire progressivement place au calme, à la sagesse et à la maturité qui caractérisent le stade de l’âge adulte. Alors, la race humaine atteindra cette stature, cette maturité qui la rendra capable d’acquérir tous les pouvoirs et toutes les capacités dont doit dépendre son développement ultime. »

Dans leur ouvrage sur la foi bahá’íe, William S. Hatcher et J. Douglas Martin expliquent : « Pour Bahá’u’lláh, l’établissement d’un ordre mondial se fera en trois étapes successives. La première est une période de débâcle sociale et d’immenses souffrances, des souffrances qui dépassent en étendue et en intensité toutes celles connues jusqu’alors. Les bahá’ís pensent que la première étape est déjà bien avancée et que le désordre qui afflige actuellement le monde éprouvera, en son temps, chaque vie humaine et chaque institution sociale […]. Selon les bahá’ís, la période actuelle de souffrances et de difficultés se terminera par une convulsion mondiale, à la fois spirituelle, physique et sociale. » Cette crise conduira à l’instauration de la « moindre paix », au sein de laquelle plusieurs institutions du nouvel ordre mondial garantiront la paix politique. Elle constituera le prélude nécessaire à la troisième étape de création de cet ordre mondial, la « plus grande paix », qui prendra bien plus de temps pour établir le « royaume de Dieu sur la terre » et donc l’« entrée de l’humanité dans l’âge de sa majorité » sur la base de la reconnaissance et de l’application conscientes des enseignements de Bahá’u’lláh.

En réalité, les enseignements de Bahá’u’lláh ont largement porté sur le nouvel ordre mondial qu’il était venu annoncer. Fondé sur des principes spirituels, en particulier sur l’unité de l’humanité, cet ordre mondial nécessitera et permettra selon lui une vaste restructuration des institutions politiques, sociales et économiques, reposant sur un dialogue constructif entre la science et la religion, qui représentent les deux systèmes de connaissances accessibles à l’humanité. Bahá’u’lláh a notamment mis l’accent sur l’égalité entre hommes et femmes, l’éducation universelle, la justice économique, la diversité culturelle et une langue auxiliaire universelle. Il préconisait aussi des institutions de gouvernance internationale : un gouvernement, un parlement, une législation, un tribunal, ou encore une police à l’échelle mondiale.



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