Quel serait le résultat du développement d’êtres humains réellement matures au niveau social ?
Extrait du livre Politique de l’être.
“Scientifiquement prouvés, les nombreux effets de la méditation nous indiquent le type de changements de comportement que le développement intérieur peut favoriser (voir chapitre 9, « Pleine conscience »). Nous pouvons aussi nous intéresser aux témoignages de personnes plus avancées sur le plan spirituel, qui ont compris la direction vers laquelle le développement spirituel nous emmenait. Selon Wayne Teasdale (1945‐2004), moine catholique américain, les grands mystiques de toutes les traditions spiri‐ tuelles partagent fondamentalement une même expérience : celle de l’unité avec tout ce qui est. Les autres personnes, les plantes, les animaux, les pierres, tout ce que notre conscience peut appréhender, sont expérimentés comme faisant partie d’un même soi.
Sri Aurobindo l’a affirmé : « C’est seulement en reconnaissant et en réalisant notre unité avec autrui que nous pouvons réaliser intégralement notre être propre, notre vrai moi. » Cette idée peut être conceptualisée de différentes manières selon les traditions, par exemple au travers du terme bouddhiste « inter‐être », mais elles renvoient toutes à la suppression de la distinction entre soi et autrui (en d’autres termes, de l’« ego »), ce qui mène naturellement au but le plus élevé : le ser‐ vice. Si seuls quelques individus exceptionnels sont capables de mener à bien cette transformation totale, elle peut néanmoins nous éclairer sur notre propre nature. En nous rapprochant de notre vrai moi, nous exprimons davantage notre nature d’inter‐être ou, plus simplement dit, notre nature relationnelle : nous nous sentons plus proches des autres êtres – humains et non humains –, et sommes donc amenés à prendre davantage soin d’eux. Nous développons spontanément des comportements prosociaux et un sens du service (voir chapitre 6, « Bonheur »).
Ce chemin de développement intérieur nous conduit à nourrir trois connexions essentielles : vis‐à‐vis de nous‐même, des autres êtres humains et des êtres non humains. Reflets de notre vraie nature, ces connexions évoluent souvent en parallèle, chacune d’entre elles menant aux autres. Lorsque nous gagnons en maturité, nous prenons aussi davantage conscience de nos réels besoins qui sont principalement d’ordre relationnel. Cela nous amène à prendre plus soin de nos proches, et peut-être même à nous réconcilier avec un frère ou un cousin que nous n’avions pas vu depuis une éternité. Nous nous rendons mieux compte combien le contact de la nature nous fait du bien, et nous sentons de la gratitude et le besoin de la protéger. Nous apprenons à prendre soin de nous‐même, nous devenons plus heureux et nous nous sentons mieux, la plupart du temps en consommant moins et en dégageant plus de temps pour l’essentiel. Nous pouvons décider de choisir un travail qui a plus de sens, pour vivre en harmonie avec nos valeurs et apporter notre contribution à un monde plus beau.
En devenant plus sages, nous apprenons à voir les choses telles qu’elles sont, ce qui nous permet de prendre de meilleures décisions, pour traduire en actions efficaces l’attention que nous portons à notre prochain et à la Terre. Nous devenons aussi plus créatifs, plus ouverts au changement et faisons preuve de davantage de résilience dans les moments difficiles. Bien sûr, sur ce chemin, nous sommes aussi plus en prise avec notre souffrance et celle des autres, mais nous comprenons que ces nœuds et ces tensions ont toujours été là, et nous apprenons à développer notre capacité à les soigner et la confiance dans ce chemin de guérison.”