Les sagesses traditionnelles détiennent les clés d’une culture régénératrice
Les civilisations modernes peuvent trouver une issue aux différentes crises qui les traversent en se reconnectant à leurs sagesses traditionnelles. Ces dernières expriment généralement leur propre version de l’histoire de l’inter-être. Contrairement à l’accent mis par l’Occident sur l’individualité, elles tendent à souligner notre nature relationnelle, ainsi que notre appartenance et nos responsabilités à l’égard d’une communauté. Dans leur déclaration pour le sommet RIO + 20, les peuples autochtones ont présenté leurs cultures comme étant essentiellement fondées sur la « relation sacrée avec l’autre et avec la Terre mère »[1] Cette communauté comprend souvent les ancêtres, les êtres spirituels et toutes les formes de vie (animaux et plantes) sur un territoire donné, ce que nous devrions aussi intégrer dans notre définition d’une nation.
Les mots employés par de nombreuses cultures pour désigner leur sagesse traditionnelle portent cette signification, si riche qu’il est difficile de la traduire. Par exemple, « Kapwa » constitue le socle de l’éthique philippine. On peut traduire ce terme par « unité » et « reconnaissance d’une identité partagée, d’un soi intérieur, partagé avec les autres », ce qui implique « l’obligation morale de traiter autrui comme un être humain de même valeur », selon le fondateur de la psychologie philippine moderne, Virgilio Enriquez[2]. Pour les Kogis, peuple indigène colombien, « Zigoneshi » – « Je t’aide et tu m’aides » ou « Je te donne et tu me donnes » – est un principe social clé qui met en lumière l’échange, la solidarité et la réciprocité. Le « fihavanana », qui désigne la sagesse traditionnelle malgache, est souvent traduit par « relation », « solidarité » ou tout simplement « sagesse ».
Le « Botho » ou l’« Ubuntu » est un concept phare des cultures sudafricaines, parfois traduit par « humanité »[3]. Selon certains analystes, « le concept d’Ubuntu englobe la compréhension de ce que veut dire être humain et de ce qu’il faut aux êtres humains pour grandir et s’accomplir»[4]. Reposant sur le principe directeur d’« umuntu ngumuntu ngabantu » (« une personne est une personne au travers d’autres personnes» ou « Je suis parce que tu es »)[5], ce concept affirme que « notre obligation morale la plus profonde consiste à devenir plus pleinement humain, ce qui signifie entrer de plus en plus profondément dans la communauté avec les autres. Par conséquent, bien que l’objectif soit l’accomplissement personnel, l’égoïsme est exclu »[6]. « C’est un concept éthique qui exprime une vision de ce qui a de la valeur dans la vie»[7.
À l’instar des cultures dont elles émanent, ces notions ne devraient pas être considérées comme des entités fermées avec un sens figé et un développement purement endogène, mais plutôt comme des concepts vivants liés à des valeurs universelles et dont l’évolution peut bénéficier d’un dialogue interculturel.
Références:
Broodryk, Johann. 2008. Understanding South Africa: the Ubuntu way of Living. Pretoria: Ubuntu School of Philosophy.
Dolamo Ramathate. 2013. “Botho/ubuntu: the heart of african ethics.” Scriptura 112 (1): 1-10.
Lagdameo-Santillan, Karina. 2018. “Roots of Filipino Humanism (1) ‘Kapwa.’” Website content. Pressenza International Press Agency, July 24, 2018. https://www.pressenza.com/2018/07/roots-of-filipino-humanism-1kapwa/
Shutte, Augustine. 2001. Ubuntu: An Ethic for a New South Africa. Pietermaritzburg: Cluster Publications
[1] https://www.forestpeoples.org/sites/default/files/publication/2012/06/final-political-declaration-adopted-rio20-international-conference-indigenous-peoples-self-determina.pdf, accessed July 22, 2020.
[2] Lagdameo-Santillan 2018
[3] Dolamo 2013
[4] Shutte 2001, 2, citéè dans Dolamo 2013, 2.
[5] Brooddryk 2008, citéè dans Dolamo 2013.
[6] Shutte 2001, 30, citéè dans Dolamo 2013, 1.
[7] Shutte 2001, 2, citéè dans Dolamo 2013, 2.